Mon dernier billet

En avant toute !

 

Le 19 avril 2024.

Il est des moments, dans la vie politique, qui encouragent à poursuivre l’action, alors même que la vulgarité, la violence et les atteintes à la laïcité se répandent et alors même qu’il est aujourd’hui de bon ton de dénigrer, de critiquer, voire de vilipender.

Ainsi donc, ce dernier mois fut porteur de belles rencontres, avancées et réussites. Pêle-mêle, en voici quelques-unes, importantes, secondaires ou même anecdotiques, mais toutes représentatives d’un travail collectif effectué avec mes collègues élus et avec les agents de notre administration municipale.

Un événement pour des enfants heureux, tout d’abord : le lancement, avec Pierre Fiori, du Printemps des mômes, sur la Promenade du Paillon. Deux semaines de spectacles et ateliers destinés, pendant ces vacances scolaires, à prolonger l’éducation culturelle et artistique des enfants, dans nos AnimaNice, dans nos bibliothèques, musées ou théâtres.

A noter, parmi les animations proposées pour ce Printemps, la danse niçoise, qui rencontre déjà un vif succès dans nos écoles. Des animatrices spécialisées de notre service Langue, culture et tradition niçoises y interviennent désormais toute l’année, de la petite section de maternelle au CM2.

Evénement joyeux encore, la désignation du lauréat du Prix des élèves de Nice : 300 jurés, élèves de CM1, CM2 et 6e, ont lu quatre romans jeunesse et ont témoigné de leur plaisir à cette découverte et de leur attente de la rencontre avec les auteurs. Un moment touchant, fruit de notre belle collaboration avec les libraires indépendants et les enseignants, aus service de la lecture.

Tout aussi constructive, la signature d’une convention avec le Rectorat relative au harcèlement scolaire. Parce que la mise en commun de nos forces et de nos bonnes volontés est primordiale sur des sujets majeurs, nous avons de même passé des conventions avec l’Education nationale sur l’accompagnement des enfants en situation de handicap et sur le rôle de nos Atsem auprès des élèves de maternelle.   

Une heureuse rencontre, la semaine dernière, celle de Nicole Belloubet, ministre de l’Education nationale, en visite dans nos écoles. Sport, culture et végétalisation au programme d’une ministre très à l’écoute, posant des questions, désireuse de comprendre et d’approfondir. Je ne fais décidément pas partie de ceux qui méprisent les femmes et les hommes qui acceptent de lourdes responsabilités.

Plus traditionnel et moins protocolaire, notre Festin des cougourdons, incroyablement fréquenté cette année : je n’y avais jamais vu autant de monde ! Merci à une météo clémente et merci aussi à nos services qui chaque année savent rendre encore plus attractive cette journée, avec de nouveaux exposants et animations.

Enfin, une belle reconnaissance de notre travail : Nice labellisée ville 100 % Education Culturelle et Artistique. Je suis très heureux et très fier que notre cité accède progressivement à un nouveau statut. Jadis ville fortifiée, elle fut ensuite balnéaire et touristique, n’étant plus considérée que sous cet angle. Nous apportons aujourd’hui la démonstration, avec notre labellisation Ville d’art et d’histoire, notre inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco et notre 100% EAC que, si nous avons le soleil et la mer, nous sommes aussi une destination culturelle.

En avant toute !

 

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Discours au Félibrige (11 juin 2011)

Genti Dama, bei Messius,

Lors de la séance de la Convention Nationale du 16 prairial, l’an deuxième de la république une et indivisible, Grégoire regrette dans son Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir le patois et d’universaliser l’usage de la langue française, qu’il n’y ait « qu’environ quinze départements de l’intérieur où la langue française soit exclusivement parlée. (...) Ainsi, avec trente patois différens, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que pour la liberté nous formons l’avant-garde des nations. »

Au nombre des patois recensés par l’abbé afin de « consacrer au plus tôt l’usage unique de la langue de la liberté », figurent le lyonnais, le dauphinois, le provençal et... l’italien des Alpes-Maritimes.

Es ver que d’aquéu temp jà, si parla prouvençau en Prouvença e nissart à Nissa. Pura, quau que sigue lou respet que s’amerita Grégoire, lou nissart es jamai estat d’italian : Nissa a chèrtou counouissut un destin particulié e la siéu istòria es estada treboulada. Limitada au miejour da la mar, au pounent dau Var (lou flume) e au nort dai Aup, Nissa es sempre estada oucupada, sigue dai Ligur, dai Celt, dai Grec, dai Rouman, dai Wisigoth, Burgond, Ostrogoth e autre Franc. Pi part de Prouvença, Nissa s’avesina de la Maioun de Savòia, quoura si fa la suchessioun de la Regina Jeanne : es la dedicioun dóu 1388. La fedeltà nissarda à la Savòia durerà esquasi cinc sècoulou, cinc sècoulou embé cinc oucupacioun da l’armada francesa, fin à cascà en lou 1860 en lou cavagnòu de la França, en escambi de l’ajuda à la councretisacioun de l’unità de l’Itàlia.

Si capisse ensin qu’un tau percours doune à la lenga nissarda una specificità : quoura la naciounalità chanja, es lou parié per la lenga. Que la lenga ouficiala sigue lou francés o l’italian, lou nissart es sempre restat lenga dóu poble. E se durant 450 an es esquasi pus estada escricha, es restada la lenga istourica, lenga d’Oc, lenga souòre dóu prouvençau. Dau resta, Jousé-Rousalìndou Rancher, autour nissart famous dóu sècoulou XIX esplica que : « Les langues italienne et française sont des langues d’emprunt pour la plupart des provinces qui composent l’Italie et la France. L’idiome dont se servent presque toutes les familles, même les plus remarquables, dans le sein du ménage, n’a qu’une très faible ressemblance avec la langue dont on doit faire usage. »

En fach, li soun sempre estat aquelu doui discours : aquéu de Rancher, que en escrivent mai en nissart li redouna la siéu noublessa e aquéu de l’Abbé Grégoire o encara de Emile Negrin, magistre de francés naissut à Cannes, que escriéu en li siéu Promenades de Nice: « Ce qui frappe le plus les personnes qui viennent pour la première fois passer quelque temps à Nice, c’est d’ouïr tout le monde parler patois (...) Les notables ne peuvent se figurer combien est pénible l’impression qu’on éprouve en les oyant ainsi discourir dans le jargon barbare du bas peuple. Partout ailleurs le patois est laissé aux gens sans éducation (...) Que pouvons-nous penser d’une dame vêtue de velours et parlant le baragouin des poissardes ? »

Ahì, Moussù Negrin, je ne suis certes pas vêtu de velours, mais je parle le jargon barbare du bas peuple, le baragouin des poissardes. E pèjou, l’escrivi ! Perqué parlà noun basta. Cau escriéure per laissà una traça, per acquistà la credibilità que douna la leteratura. E à dire lou ver, l’escritura teatrala mi pareisse la mai adatada : un’obra teatrala noun esiste verament que quoura es jugada en scena. Mescla leteratura e ouralità. Es acò que m’agrada : lou teatre fa viéure la lenga, li douna la fouòrça de la paraula, fa la demoustracioun qu’una lenga, sigue « un jargon patoisant du bas peuple », es lou vehìcoulou de sentiment, d’emoucioun, de crenta, d’esper. E li obra de Francis Gag, moun paigran, n’en soun la prova : sigue l’amour dóu sartre Matafiéu per Babet, sigue lou respet dóu Fraire Eliacin per lou siéu vin, sigue la paur dóu castic dei quatre padre capouchin, sigue la bila dóu mera de Ribassièra, sigue la pena dóu lutié d’Ensin va la vida, lou siéu teatre es la vida. Lou teatre es - e déu estre - la testimouniança d’una realità umana.

Lou 30 de jun dóu 1957, si debanet à Sant-Roumiéu la Coupa dóu Teatre prouvençau. Lou lendeman, Carle Mauron escrivet acò : « D’abord il existe un public pour un théâtre en langue provençale. Pareille conclusion, vérifiée par Gag à Nice, Marquion dans le Vaucluse et de nombreux animateurs locaux, apparaît établie sans contestation possible. »

Es perqué lou teatre – e lou teatre d’Oc en particulié – es un miralh que li es un public : lou public si recounouisse en lu persounage, à travès la lenga. Parlavi de Francis Gag, dau segur, mà mi cau parlà de Paul Marquion, que, couma lou fès per iéu ancuèi, l’avès recoumpensat en lou 1962 per la siéu obra teatrala. Qu noun si recounouisserìa en la rèplica de Felis en la siéu coumèdia Lou mestierau : « I a de fes que vous pren envejo d’estre michant e, tant brave que sias, d’estrangla li gent ! » O ben Marius en Lou ruscle : « Lou mariage es ren qu’un afaire de ruscle e parèis que lou ruscle acò s’esplico pas. Lou ruscle sarié ço que fai quand un drolo e uno chato se volon, sauprien pas esplica coume vai que se volon : mai quand se volon, i a ges de biais de resounamen per ié leva la causo de la testo. » Lou teatre en lenga nouòstra nen toca au couòr, mà es finda la marca dóu judici dóu poble : en lou siéu drama Pascalet de la Patino, ispirat dei Rouge dóu miejour de Felis Gras, Marquion encara fa dire à Pascalet : « E creses qu’aici, sian à la festo touti li jour, citoyen coumandant ? Couneisse pas la vido de soudard, mai couneisse aquelo que mene e crese pas que se posque mena uno tant marrido vidasso que la nostro. Oh ! es pas l’obro que me fai pòu, es de faire soun obro sempre gibla souto lou fouit d’un marquès. Vivo la liberta ! »

Quoura escrivi de teatre en nissart, es acò que cerqui : la verità. La realità dei situacioun, dei sentiment, dei relacioun tra lu persounage, e dounca la verità de la lenga. Per cada peça qu'ai escricha, ai prouvat de moustrà la diversità dóu nissart. Se Nissa es diversa, la siéu lenga es diversa. Lu Nissart parleron nissart, parlon e parleran nissart. A Nissa, si parlava italian, si parlet ingles, si parla francés ? Diversità dei situacioun e dei época : dau sècoulou XVI au sècoulou XX, quoura es nechessari, lu miéu persounage parlon nissart, italian, inglés e francés.

E Jousé d’Arbaud, que fouguet Grand Laureat dei Juèc flourau dóu 1906, qu’embé moun paigran si tenìon en gran respet, en lou 1939 d’Arbaud dounca parlava ensin de Nissa e de la siéu lenga : « Et la grande Nice, à travers le va-et-vient de ses visiteurs cosmopolites et les habitudes internationales qu’ils acclimatent, garde l’usage de sa langue, ses traditions propres et leur fierté, marque d’un peuple bien racé qui ne renonce pas et, quel que soit son destin, n’abdique devant personne. » Es ver qu’à Nissa bessai mai qu’en d’autre luèc, à Nissa terra de passage, de vilagiatura, sian estat delegat e embé nautre la nouòstra lenga. Es pura ver qu’aven pas abdicat, cadun embé lu siéu autis. E lou teatre nissart es un autis de trasmissioun, mà un autis que lou cau tratenì e renouvà, qu’au senoun couma toui lu autis s’enrouia e sierve pus de ren.

Aquel autis que n’a laissat moun paigran en lou 1988, cresès-mi que si sian demandat cen que n’en deviavan faire. Un eritage de nòu peça qu’eron de referència dóu teatre poupulari emb’una noutourietà facha d’autenticità e de qualità leterària.

Lou Théâtre Niçois de Francis Gag sensa Francis Gag, lou foundatour, l’autour, l’atour que fahìa tamben la mesa en scena ? Aven pas abdicat, aven dounat de gage au nouòstre public : l’una après l’autra aven remountat touti li siéu peça sensa éu. E pi un còu acabat, que faire mai ? Recoumençà ? Es moun paire, Peire-Louis Calendal, que nen moustret la dralha : en lou 1997, ispirat da Barthélémy Taladoire, adata Les ménechmes, que devenon Lu bessoun, proumiera creacioun despì lou 1980 e Segne Blai e Guilhaumeta, de Nouno Judlin.

Jean-Calendal Vianès escrivìa que : « Entre la farce qui intéresse provisoirement le public provençal et le drame ou la comédie modernes qui toucheront plus profondément ses sentiments et ses pensées, la porte est étroite … mais par cette porte étroite le théâtre provençal peut aller vers un apogée qu’il n’est pas déraisonnable de prévoir. »

En lou 2011, lou Théâtre Niçois a 75 an e maugrà lou siéu age venerable sembla ben si dirijà vers lou siéu apougèou : ancuèi aven vint-una peça au repertori, cad’an doui serìa de rapresentacioun (una creacioun e una peça tradiciounala de Francis Gag) que nen pouòrjon 3.000 à 4.000 espetatour, un public sempre mai jouve perqué aven menat de jouve en scena e perqué aven firmat una Counvencioun embé l’Educacioun Naciounala. E naturalament, cada creacioun es publicada e venduda. En lu statut dóu Théâtre Niçois, era escrich que lou siéu oubietiéu era de « maintenir et illustrer » la lenga. L’aven mantenguda e l’aven ilustrada, es à dire que l’aven mesa en la lus.

Ai 47 an e siéu un ome urous : ai chausit la miéu vida, e pura es pas aquela que la m’eri pantalhada. Après de classa preparatori, ai fach à Marsilha l’Ecole Supérieure de Commerce et d’Administration des Entreprises, pi ai coumençat de travalhà en la banca : de respounsabilità, una bouòna paga, de bei vestit, la cravata… tout cen que li cau en un jouve… Mà estre jouve es una cauva que va un moument e pi acò vous passa léu… Mi mancava quaucaren. Lou temp mi mancava, lou temp de pensà, lou temp de veire, lou temp de viéure. Mi mancava tamben lou gaudiment, mi mancava de servì, mi mancava de creà, mi mancavon lu miéu raìs. Ai mandat la banca en galèra e siéu devengut magistre. E d’aquéu jour, mi ten à couòr d’estre un creatour de riquessa, de riquessa umana, au servici dei jouve, de la lenga nouòstra e de la creacioun. Noun siéu que lou maioun d’una cadena, mà lou siéu. Ai una viéua counsciença dóu temp, dóu temp que destruge mà dóu temp que bastisse, finda : es bessai acò, la tradicioun.

Siéu nissart, dau segur, mà pas soulament : estou sera, siéu prouvençau, tamben. Prouvençala fin au 1388, Nissa era tamben sounada « Terra nova de Prouvença » dai Duca de Savòia e « Niço, cap de Prouvenço » dau gran Mistral. E Francis Gag, moun paigran, cadun saup que si sentìa prouvençau au fount de l’ànima. Estou sera, es la tradicioun qu’es ounourada e m’atrovi da la vouòstra voulounta iscrich en una longa filhoulança. Lu miéu prechessour soun ilustre : d’Arbaud e Marquion, mà finda Nouno Judlin, Grand Laureat dei Juèc flourau dóu 1941, Nouno que l’ai toujour counouissuda, Nouno que l’ai toujour vista à maioun couma se siguesse de la familha, Nouno que rapresentava la sagessa jouiouha, Nouno ai beluga en lu uès, Nouno e l’indichibla beutà dei siéu cabro negro : « Pas mai qu’entre li jour, ges de matin n’arranco sa clarta vierginenco is arpio de l’errour, pas mai derrabaras a l’amour que t’escranco de pausa sus ta fèbre uno man de frescour. Lou record es aqui, bèu dins sa raubo franco. La foulié, li desir buta testo contro anco, tout acò s’en vai en troupèu, e sout l’iue dóu regret dana, que ren n’assanco, soun cabro negro sus la nèu. »

Aquì, en terra santenca, acaberai lou miéu prepaus en vous diguent la miéu emoucioun. Tout si mescla e vous rendi gràcia perqué fès remountà en iéu de souvenì de pichoun, e en m’ounourant iéu, es la memòria de moun paigran qu’ounouras, l’obra au servici de la lenga nouòstra o dei lenga nouòstri, qu’es lou parié : la diversità de la lenga fa la siéu unità. Mistral noun di autra cauva : « Dis Aup i Pirenèu, e la man dins la man, Troubaire, aubouren dounc lou vièi parla rouman ! Acò's lou signe de famiho »

Aquì, en terra santenca, tout si mescla : vous rendi gràcia, perqué soun embé nautre pépé Francis, moun paire, la miéu frema Clara qu’es part maja de iéu, soun embé nautre d’Arbaud, Nouno e aquéu que moun paigran n’en pourtava la Cigalo de Majourau, aquéu que coumpauset per lu siéu amic gitan un cantic à Santo Saro la bruno :

« O flour de nosto raço
Gardo, Saro, amoundaut,
Per campa, nosto plaço
Au terraire Eternau. »

Gramacì.

Jean-Luc Gag, Santa-Marìa-de-la-mar, lou 11 de jun dóu 2011.

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