Et pourtant, Cioran...

Le 16 novembre 2015.

Samedi en fin d’après-midi, avant de me rendre à la célébration de l’anniversaire d’une amie très chère, je passe saluer des auteurs niçois et leur éditeur à La briquèterie, rue Jules Gilly, au bout du Cours Saleya. Comme dans toute librairie, je ne peux m’empêcher de traîner, de traînasser, même. Je sais qu’inéluctablement mes yeux se poseront sur le livre idoine, et que je l’achèterai sur le champ. Comme toujours. Et bien sûr, c’est ce qui arrive : Pensées étranglées, de Cioran.

Cioran, découvert vingt ans plus tôt à travers Louis Nucéra et ses Ports d’attache. Cioran, qui parfois me foudroie de sa lucidité. Cioran, dont j’admire tellement l’expression ciselée.

Nuit de samedi, nuit d’un noir samedi soir après un noir vendredi 13 novembre 2015 : envie de découvrir ces Pensées étranglées ; besoin de relire Cioran et de retrouver certains de ses aphorismes, si cruellement pertinents. Cioran nocturne.

Cioran clairvoyant :

« Longtemps je me suis intéressé à la décadence de l’Empire romain, dont la fin désespérée, complète, honteuse, est un modèle pour toutes les civilisations. Et si à présent je m’intéresse tant à l’Occident, l’Occident contemporain, c’est parce qu’il rappelle le crépuscule des grandes civilisations. »

Cioran prophétique :

« On peut donner pour certain que le XXIe siècle, autrement avancé que le nôtre, regardera Hitler et Staline comme des enfants de chœur. »

Cioran pénétrant :

« Méfiez-vous de ceux qui tournent le dos à l’amour, à l’ambition, à la société. Ils se vengeront d’y avoir renoncé. »

Cioran sans complaisance :

« Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m’oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l’équilibre du monde.

Et pourtant, Cioran…

« Nous sommes au fond d’un enfer où chaque instant est un miracle. »

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