Comté de Nice : particularités d’une histoire et d’une langue
Lors de la séance de la Convention Nationale du 16 prairial, l'an deuxième de la république une et indivisible, Grégoire regrette dans son Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir le patois et d'universaliser l'usage de la langue française, qu'il n'y ait « qu'environ quinze départements de l'intérieur où la langue française soit exclusivement parlée. (...) Ainsi, avec trente patois différens, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que pour la liberté nous formons l'avant-garde des nations. » Au nombre des patois recensés par l'abbé afin de « consacrer au plus tôt l'usage unique de la langue de la liberté », figurent le lyonnais, le dauphinois, le provençal et... l'italien des Alpes-Maritimes.
Alors qu'en France lesdits patois - terme qui véhicule aujourd'hui une connotation rurale restrictive et péjorative - ont pu être diversement atteints par les mesures révolutionnaires, la langue vernaculaire encore parlée dans les Alpes-Maritimes (qui n'est ni n'a jamais été de l'italien) survit, bien que le comté de Nice, dont les contours linguistiques recoupent sensiblement ceux des Alpes-Maritimes, à l'exception d'une zone à l'ouest du Var comprenant Antibes, Cannes et Grasse (cf. carte du département des Alpes-Maritimes – Ancien comté de Nice), ait connu un parcours historique heurté.
Il s'agit bien de heurts, en effet : le comté de Nice est ainsi positionné que, limité au sud par la mer, à l'ouest par le Var, au nord par les Alpes, il a toujours été convoité, voire occupé : Ligures entre le Xe et VIIe siècle avant J.C., Celtes ensuite, Grecs (fondateurs de Nikaïa vers – 600), Romains (établissant la province des Alpes-Maritimes en 14 avant J.C.) jusqu'à la chute de leur empire en 476, puis Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths et enfin Francs jusqu'à la réunion de la Provence en 946 au royaume de Bourgogne. Le comté de Provence - et Nice en conséquence - passe ensuite sous l'autorité des comtes de Barcelone puis d'Anjou. L'incompétence puis la succession disputée de la Reine Jeanne amènent les vigueries de Nice, de Puget-Théniers, de Barcelonnette et du Val de Lantosque à demander la protection des comtes de Savoie : c'est la dédition de 1388. Cet événement par lequel ces populations se soumettent à un nouveau souverain peut être considéré comme l'acte constitutif du territoire du comté de Nice (même si le terme de comté n'apparaît pour la première fois qu'en 1392) et marque le début d'une longue fidélité à la maison de Savoie, qui durera quasiment cinq siècles, au cours desquels les Savoie subiront deux périodes de protectorat français (de 1452 à 1559 et de 1630 à 1690). Le comté de Nice sera ensuite occupé par l'armée française à cinq reprises entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Malgré l'indifférence majoritaire de la population, peu sensible aux idéaux révolutionnaires et aux événement franco-français, ce n'est qu'en 1814 et grâce à un traité international que le comté revient à la Maison de Savoie jusqu'en 1860. A cette date, contre l'appui de la France à la concrétisation de l'unité italienne, le comté de Nice et la Savoie sont finalement (définitivement ?) rattachés (annexés ?) à celle-ci par un plébiscite soigneusement orienté. Est alors créé le département des Alpes-Maritimes que nous connaissons aujourd'hui (à quelques différences près), par l'adjonction de l'arrondissement de Grasse au comté.
Cette longue appartenance à la maison de Savoie a donné un caractère spécifique à ce territoire, qui s'est progressivement éloigné de la Provence (et en conséquence de la France, puisque la Provence devient française en 1481). Parallèlement, lorsque sa nationalité est remise en cause, il en va de même pour la langue. A titre d'exemple, à l'instar de François Ier qui impose chez lui une langue officielle, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie ordonne le 11 février 1560 depuis Nice que : « tant en notre Sénat de Savoie qu'en tous autres tribunaux et juridiction de nos pays, tous procès et procédures, enquestes, sentences et arrests en toutes matières civiles et criminelles seront faites et prononcées en langage vulgaire et le plus clairement que faire se pourra. » Un texte du 12 février 1561 précisait que pour tout le comté de Nice, ce langage vulgaire serait l'italien. Selon les périodes, alors qu'ont été alternativement imposées comme langues officielles le français et l'italien avec plus ou moins de bonheur, le « patois » représente pour la population une référence, un ancrage, un refuge face aux irrésistibles bouleversements. Alors que les actes officiels et plus généralement les écrits sont rédigés en la langue officielle du moment, la langue historique demeure majoritairement parlée, acquerrant ou retrouvant ainsi une légitimité naturelle.
Nous avons vu précédemment que cette langue naturelle et populaire n'est pas de l'italien : le comté de Nice appartenant à l'ensemble des pays d'Oc, il s'agit d'une langue d'Oc. Cette zone ayant été beaucoup plus fortement romanisée que le nord de la Loire, le latin, importé par les marchands, colons et soldats romains, s'y est imposé. De ce fait, le niçois, le provençal, le gascon, le rhodanien, le limousin, etc., sont des langues sœurs qui ne sont pas dérivées les unes des autres, mais sont issues tant au niveau structurel que lexical d'une même base. Ainsi, pour l'Education nationale française, l'occitan-langue d'Oc regroupe l'auvergnat, le languedocien, le gascon, le limousin, le provençal, le vivaro-alpin, et le niçois, chacune de ces variantes ayant connu une évolution spécifique, liée à son destin historique propre. En cela, la langue parlée dans le comté de Nice a été enrichie de différents apports : lors de l'effondrement de l'Empire romain, les peuples germaniques apportent un lexique concret militaire, juridique, féodal et agricole. Les apports méditerranéens (grecs, arabes, turcs) y sont significatifs, de même que le français, tant au moyen-âge que pour un vocabulaire récent et l'italien, pour un certain nombre de mots techniques et notamment des proparoxytons (mots dont l'accentuation tonique porte sur l'antépénultième syllabe) savants. Le piémontais a fourni un vocabulaire spécifique, surtout dans la deuxième moitié du XIXe siècle par le phénomène de l'immigration. Ces multiples apports font que cette langue se distingue des autres langues d'Oc, plus faiblement et différemment influencées. Elle a su traverser l'Histoire en se nourrissant des occupations, des immigrants, en s'adaptant aux mesures des gouvernants, aux nécessités du commerce. Le comté, loin des considérations politiques unificatrices, subit les aléas de l'Histoire en conservant sa langue véhiculaire non pas intacte, mais vivace et enrichie.
Témoin et artisan de la vivacité de cette langue populaire, Joseph-Rosalinde Rancher, auteur fameux en langue niçoise, explique d'ailleurs trente ans après Grégoire dans la préface de sa Nemaïda, poème héroï-comique, que : « Les langues italienne et française sont des langues d'emprunt pour la plupart des provinces qui composent l'Italie et la France. L'idiome dont se servent presque toutes les familles, même les plus remarquables, dans le sein du ménage, n'a qu'une très faible ressemblance avec la langue dont on doit faire usage. »
En 1807, un membre français du corps enseignant écrit en évoquant les élèves dont il a la charge : « Leur degré de capacité est médiocre. En général, ils ne savent pas le français. Dans les communes rurales des Alpes, les écoles ne sont fréquentées que pendant l'hiver. »
En 1868, Emile Negrin, professeur de français né à Cannes - en France donc - écrit dans ses Promenades de Nice : « Ce qui frappe le plus les personnes qui viennent pour la première fois passer quelque temps à Nice, c'est d'ouïr tout le monde parler patois (...) Les notables ne peuvent se figurer combien est pénible l'impression qu'on éprouve en les oyant ainsi discourir dans le jargon barbare du bas peuple. Partout ailleurs le patois est laissé aux gens sans éducation (...) Que pouvons-nous penser d'une dame vêtue de velours et parlant le baragouin des poissardes ? »
Le comté de Nice étant désormais dans l'inconscient collectif dissous dans la Côte d'Azur (terme que l'on doit à Stephen Liegeard, écrivain natif de Dijon), la probabilité de lire ou d'entendre de nos jours encore de telles remarques est objectivement faible, non parce que la vision « folklorique » du « patois » a disparu, mais plutôt parce que les locuteurs naturels se raréfient. Ceux-ci existent néanmoins, et témoignent par leur parler de leur attachement à une histoire et de leur respect de leur identité, urbains ou ruraux, côtiers ou montagnards.
On ne peut considérer que le niçois (ou nissart) soit aujourd'hui encore la seule langue parlée dans les Alpes-maritimes digne d'intérêt. En effet, s'il demeure usité sur la côte et dans les vallées du Paillon, on observe dans le reste du département (la zone à l'ouest du Var étant volontairement exclue de notre réflexion pour les motifs historiques évoqués plus haut) une diversité linguistique étroitement liée au relief. Ces barrières naturelles que sont les crêtes des vallées de la Roya, de la Vésubie, de la Tinée et du Var constituent en quelque sorte des délimitations naturelles aux langages. Elles sont cependant perméables et autorisent évidemment le chevauchement linguistique : de même que la langue d'Oc subsiste dans certaines vallées piémontaises, le provençal des Alpes de Haute-Provence se ressent dans le parler de la haute vallée du Var, comme le piémontais dans la Roya. Il n'en demeure pas moins que de la côte aux montagnes, d'une vallée à l'autre, les hommes se comprennent : malgré les spécificités et donc les différences, le socle linguistique est identique dans de larges proportions.
Compte tenu de ce qui précède, il serait difficile d'énumérer exhaustivement les particularismes de chaque parler. Nous nous contenterons à titre informatif d'indiquer quelques tendances de fond en dissociant nissart côtier et gavot, terme générique caractérisant les parlers des montagnes :
- le nissart côtier, soumis à l'influence du piémontais et du français surtout, a conservé le a au féminin (la mousca, la testa, la cadièra), le t au participe passé masculin (es calat, soun sourtit, a rendut), de nombreux proparoxytons (dimènegue, tarabàcoula), a perdu les s du pluriel (lu ome, li frema) et les r de l'infinitif (parlà, durmì).
- Le gavot a pour sa part conservé le s du pluriel et le o du féminin (la jaino, las jainos), le r de l'infinitif (aver, passar), le chuintement parfois (lou chamous, la vacho), mais a fréquemment perdu le t du participe passé (aven decida) et le n final (lou mouli, degu, lou pa).
Alors que la langue des montagnes, langue de tout le comté au XVIe siècle, mieux préservée des influences diverses, demeure plus archaïque, plus proche des racines d'Oc médiévales, le nissart s'est gallicisé, notamment depuis la seconde moitié du XIXe siècle, victime à la fois d'un territoire rendu plus accessible au tourisme, de l'arsenal de Jules Ferry sur l'enseignement (un seul pays, une seule loi, une seule langue) et de la disparition du catéchisme dialectal.
Les quelques extraits de textes suivants illustrent à la fois les caractéristiques ci-dessus et la capacité des langues du comté de Nice à véhiculer des idées et pensées d'une grande diversité, sous quelque forme écrite que ce soit.
Un dénommé Ciatela écrit par exemple à l'occasion d'élections législatives à Alfred Borriglione (maire de Nice en 1878, député en 1885, puis sénateur en 1894), à seule fin de lui reprocher le manque de respect de ses engagements et un exercice tyrannique du pouvoir, sous le titre suivant : Lettre d'un Montagnard à M. Borriglione, ex-député révisionniste, sur l'art d'élever & de poser des lapins. Cette lettre, imprimée et diffusée, a ceci de particulier qu'elle est rédigée par son auteur dans sa langue, même si l'orthographe paraît aléatoire, alors que l'annexion est réalisée depuis trente ans. L'extrait suivant constitue le début d'un texte de seize pages :
« Moussu Bourrioun,
Aloura es ver !...
Après nous aver calegnas en nous gratifican de lai vuostraï grassiousaï grimassaï ;
Après lous vuostros plus caüts et affetuoses serraments de mans plens de ricaï proumessaï ;
Après nous aver entartugas en be laï vuostraï plus doussaï paraülaï ;
N'en foutes un co de caüs en lou cul en n'en lacias couma de bruts e de marpropres.
Lou titre de Deputa de Nissa-Campagna dar cal semblavas estre tan fier avant de lou poussedar, noun a per vous plus ren de flattur e si capisse, perche per lou moumen vous a rendu tout senche en esperavas.
Sabes trè ben che ensamoun grassia a laï maridaï anaiaï, sian redes couma d'escarassouns e che en counseguenssa vous e touta la voustra clica, noun trouverias ren a gratar. (...) » (1)
Sully Maynart, décédé en 1974, auteur de nombreux écrits dans sa langue natale de la Tinée (poésies, fables, poèmes religieux, pamphlets, récits) rassemblés pour partie dans les Crounicoi de Santo-Pèirounello, soucieux de maintenir la langue des anciens, raconte en dialecte clansois dans Uno leçou' de lengo l'histoire de Babelou qui, après avoir quitté la montagne pour Nice, revient au pays et demande à son père en français : Papa, comment appelle-t-on cette plante ? cet oiseau ? l'âne ?
« Sàumo, i faguè lou paire e caminèron touti très en silenci jusqu'ou pra. Aqui, lou paire s'es mès o remplir li siou ramiès, li bouras, li bariou de fé, diguent o lo demoijello :
- Rabaio lou fé que resto e recampolou en un moulou.
I avio subre lou pra un rastel ; Babelou s'en es aprouchàu e m'un pè n'en toucavo li banoi pi diguè :
- Papa, comment appelle-t-on le râteau, en patois ?
- ...
Enrabiàu de cenque soun paire noun li respoundiò, dounè un cou de pè tròu fouòrt e lou manche i ès vengu pica subre lou nas :
- Pourcas de rastel ! diguè lo nissardo
Lo lengo de soun paire i ero retournau (...) » (2)
Francis Gag, écrivain contemporain niçois décédé en 1988, homme de théâtre et de radio dont le rayonnement et la notoriété ont vraisemblablement favorisé une renaissance de la création littéraire dialectale, fait dire à la servante Babet son amour pour son maître, le tailleur Ambroi Pacherin Matafiéu :
« Babet E lou jour, Pacherin, que, partit pèr cercà de boulet, si sian trouvat au toumbà de la nuèch au plus aut dóu coulet ? Lou temp s'èra cubert. Li nebla, amoulounadi dau vent venìon s'escarpinà à la cima dei pin. Lou tron, tout en un còu, esclatet proch de nautre ; lu lamp flamejavon, de cabra espaventadi, en un rumour de sounàia fugìon à travès bouòsc. Iéu, esperduda, sensa màncou li pensà, mi siéu jetada couòntra de vous. Lountemp m'avès tenguda ensin agroumisselada en lu vouòstre bras e n'avìi plus ni crenta ni timour... La chavana passada, m'avès dich : " Auguessi encà vint an, Babelin..." La man dintre la man, sensa plus dire un mot, sian retournat au nouòstre. Vous remembras?...
Matafiéu Taise-tì, Babet.
Babet Ahura, Pacherin, noun mi voulès plus veire...
Matafiéu L'as dich, Babet, noun ti devi plus veire, noun vouòli plus t'audì ! » (3)
Joseph Giordan, écrivain niçois auteur de recueils poétiques, articles et études divers, a traduit après-guerre les Evangiles des dimanches et jours de fête. Ainsi pour la Toussaint :
« D'aquéu temp, Jéuse veguènt la foula dóu poble que lou seguïa, s'en mountèt sus d'una mountagna.
Quoura si siguèt assetat, lu siéu disciple si placèron dapé d'éu.
Aloura, coumençant de parlà, lu estrusïa en dïent : Urous lu paure en esprit, perqué lou règne dei ciel es siéu. Urous aquelu que soun pai, perqué poussederan la terra. Urous aquelu que si plouron, perqué seran counsoulat.Urous aquelu qu'an fam e set de justicia, perqué seran assadoulat. Urous aquelu que soun misericordious, perqué seran tratat emé misericòrdia. Urous aquelu qu'an lou couòr pur, perqué veiran Diéu. Urous lu pacific, perqué li diran lu enfant de Diéu. Urous aquelu que sofron de persecucioun pèr la justìcia, perqué lou règne dei ciel serà siéu.
Serès urous quoura lu ome vous maladisseran, vous persecuteran, v'aclaperan de calounnìa en cauva de iéu. Ralègras-vous aloura, e laissas esclatà la vouòstra joia, perqué una gran' recoumpènsa v'es alestida en lou ciel. » (4)
Quel que soit le nom qu'on lui donne, langue, dialecte, parler ou même patois, la langue du comté de Nice, au même titre que tout autre langue régionale, a droit au respect en tant que langue digne, populaire, langue du peuple donc d'êtres humains qui l'utilisent ou l'ont un jour utilisée pour exprimer leurs sentiments, et plus généralement pour communiquer. Elle a droit au même respect que la langue française, imposée aux Niçois, cette langue qu'André Compan qualifie dans l'introduction à son ouvrage Le comté de Nice de « vêtement du dimanche », qui habille tous les esprits de l'hexagone.
N'ayant plus vocation à être langue de rues, transmise de génération en génération, elle est désormais enseignée. Par ce biais deviendra-t-elle peut-être le « vêtement du dimanche » non plus imposé de force ni présent dans tous les esprits niçois, mais choisi avec goût et discernement, langue de culture, survivance d'une histoire d'hommes. Autrefois naturelle ; aujourd'hui élue.
Jean-Luc GAGLIOLO
(1) Monsieur Borriglione,
Alors c'est vrai !
Après nous avoir câlinés en nous gratifiant de vos plus gracieuses grimaces ;
Après vos serrements de mains les plus chauds et les plus affectueux, pleins de riches promesses ;
Après nous avoir étourdis avec vous paroles les plus douces ;
Vous nous foutez un coup de pied au cul et nous laissez comme des vilains et des malpropres.
Le titre de Député de Nice-Campagne duquel vous sembliez être tant fier avant de le posséder, n'a pour vous plus rien de flatteur et ça se comprend, parce que pour le moment, il vous a rendu tout ce que vous en espériez.
Vous savez très bien qu'en haut, grâce aux mauvaises années, nous sommes raides comme des échalas et qu'en conséquence vous et toute votre équipe ne trouveriez rien à gratter. (...)
(2) Ane, lui fit le père et ils marchèrent tous deux en silence jusqu'au pré. Ici, le père s'est mis à remplir ses toiles à foin, les filets, en disant à la demoiselle :
- Ramasse le foin qui reste et rassemble-le en un tas.
Sur le pré un râteau ; Babelou s'en est approchée et en touchait les dents avec le pied puis dit :
- Papa, comment appelle-t-on le râteau, en patois ?
- ...
En colère que son père ne lui répondît pas, elle donna un coup de pied trop fort et le manche est venu lui taper sur le nez :
- Cochon de râteau ! dit la niçoise
La langue de son père lui était revenue (...)
(3) Babet Et le jour, Pacherin, que partis pour chercher des champignons, nous nous sommes trouvés au tomber de la nuit au plus haut du collet ? Le temps s'était couvert. Les nuages, amoncelés par le vent venaient s'ébouriffer à la cime des pins. Le tonnerre, tout d'un coup, éclata à côté de nous ; les éclairs flamboyaient, des chèvres épouvantées, dans un bruit de sonnailles fuyaient à travers bois. Moi, éperdue, sans même y penser, je me suis jetée contre vous. Longtemps vous m'avez tenue ainsi, blottie dans vos bras et je n'avais plus ni crainte ni peur... L'orage passé, vous m'avez dit : "Si j'avais encore vingt ans, ma petite Babet..." La main dans la main , sans plus dire un mot, nous sommes retournés chez nous. Vous vous rappelez ?...
Matafiéu Tais-toi, Babet.
Babet Maintenant, Pacherin, vous ne voulez plus me voir...
Matafiéu Tu l'as dit, Babet, je ne dois plus te voir, je ne veux plus t'entendre !
(4) En ce temps-là, Jésus voyant la foule du peuple qui le suivait, monta sur une montagne.
Quand il se fut assis, ses disciples se placèrent à ses côtés.
Alors, commençant à parler, il les instruisait en disant : Heureux les pauvres en esprit, parce que le règne des cieux est leur. Heureux ceux qui sont paisibles, parce qu'ils possèderont la terre. Heureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, parce qu'ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, parce qu'ils seront traités avec miséricorde. Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. Heureux les pacifiques, parce qu'on les appellera les enfants de Dieu. Heureux ceux qui souffrent de persécution pour la justice, parce que le règne des cieux sera leur.
Vous serez heureux quand les hommes vous maudiront, vous persécuteront, vous accableront de calomnie à cause de moi.
Réjouissez-vous alors et laissez éclater votre joie, parce qu'une grande récompense vous attend dans le ciel.