Mon dernier billet

Courage !

 

Le 27 août 2023.

Une belle soirée de fin d’été, hier. Autour de la table de nos hôtes, je retrouvai un vieil ami de lycée au parcours extraordinaire, un photographe aventurier, observateur et témoin de notre monde et des guerres des hommes. Nous n’aurions pu prédire un tel avenir au jeune si discret qu’il fut.

Autour de la table aussi, celui qui présida aux destinées d’un grand magazine, homme érudit et passionnant. Au détour de nos échanges, j’évoquai celui qu’il avait si bien connu et dont je prenais tant de plaisir à lire les éditos : Louis Pauwels.

Posé ce matin, goûtant la pluie, je me repasse le film de cette soirée, pensant avec admiration au courage de mon ami de jeunesse dans ces circonstances périlleuses. Et puis, comme l’écrivait mon grand-père dans La pignata d’or (Iéu ti douni lou fiéu e tu mi fas la pelota !), une pensée en amenant une autre, une phrase de Louis Pauwels tirée de L’apprentissage de la sérénité me revient à l’esprit : « Contre la peur, un seul remède : le courage. »

Poursuivant ma réflexion, je consulte naturellement mon Robert historique de la langue française qui, rappelant l’étymologie du courage (mot constitué autour du cœur), le définit comme vertu morale et force d’âme devant le danger. Je m’interroge, commençant évidemment par songer au courage nécessaire face à la maladie pour finalement en arriver, par analogie, à constater combien il nous faudrait de courage pour affronter les maux dont souffre notre société. J’utilise à dessein le conditionnel : il nous faudrait, parce que je suis convaincu que le courage est la première qualité dont nous devrions faire preuve aujourd’hui.

Je prends donc le temps de me livrer à un tour d’horizon et de rassembler mes observations et regrets quotidiens, que voici.

Je trouve notre société violente, faite de peurs, de méfiance, d’égocentrisme, d’immédiateté et d’hyperréactivité, d’indignations, de certitudes et de suffisance, de recours à la facilité et aux jugements à l’emporte-pièce, clouant d’abord au pilori à partir d’accusations et d’étiquetages simplistes. Je redoute ces mots en -isme : catastrophisme, égalitarisme, communautarisme et cette tendance à voir en toute chose discrimination et atteinte aux droits. Je suis atterré devant l’irresponsabilité de certains parents et l’exemple qu’ils donnent. Je pressens une aggravation de la situation, des affrontements de plus en plus fréquents et nombreux, amplifiés par la jalousie, par notre lâcheté et nos lâchetés partagées.

Nous tous, adultes, parents, décideurs et politiques manquons le plus souvent du courage nécessaire à un diagnostic lucide. Nous ne prenons pas le temps de la réflexion. Nous demeurons le nez collé à la vitre, sans recul et hauteur de vue. Nous oublions prudence et dignité. Nous négligeons la raison et le devoir. Nous sommes incapables de tracer des perspectives. En un mot, nous manquons de courage. Et faire l’autruche n’a jamais rien résolu.

Et voilà ! Tout ça pour ça. En cette période de rentrée, un billet radieux et optimiste eût été de bon aloi. C’eût été plus encourageant…

 

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Semis et création

Le 16 mars 2019.

Ce matin, séminaire potager : Claire œuvre à éclaircir ses semis. Ce seront donc les clairs semis clairsemés de Claire. En ce Printemps des poètes dédié à la Beauté, je laisse mon naturel rêveur s’émerveiller devant cet acte de création qu’est le simple - mais auguste – geste du semeur et, pris d’une curiosité soudaine, me précipite tel un séminariste vers mon cher Robert, dans sa version Dictionnaire historique de la langue française, tome II, direction « Semer », dont je découvre l’origine : c’est le verbe « serer » qui a produit par dérivation « seminare », la racine « semen, -inis » y étant donc insérée.

Le sens premier était évidemment « faire croître », puis « faire naître » au propre et au figuré. Mon esprit sémillant (de l’ancien français « saimme » issu de la même « semen ») a immédiatement perçu que cette observation n’était pas que semence, c’est-à-dire chose peu négligeable (1573) : en effet, croître/crescere et créer/creare étant issus de la même racine, ils font de l’ensemenceur » – ou de la semeuse en la circonstance - un démiurge.

A ce stade de mon propos, j’espère ne pas vous avoir semés mais, bien au contraire, avoir disséminé quelques graines de réflexion philosophique en ce temps des semailles, c’est-à-dire en cette saison (du latin « satio » dérivé du même « serere »). Certain de ne pas semer en terre ingrate, je vous livre même la définition que les Stoïciens donnaient de la « Raison séminale du monde » : c’est la  raison de la loi régulière suivant laquelle le vivant se développera, lorsqu’il rencontrera les circonstances favorables, concept qui suppose une théorie de la semence comme réceptacle des « raisons séminales » déposées par les ascendants. Celles-ci se définissent ainsi comme indestructibles et immortelles et elles assurent l’identité du monde à travers ses renouvellements cycliques.

Non, mais des fois tu te demandes ! A partir de quelques graines de cougourdes et de tomates tirées de leur néant, l’on mesurerait donc le produit immédiat de l’acte créateur, le fondement de la consistance du monde, posé par Dieu à l’origine des Temps, au Temps premier, au Primus tempus, au printemps, donc !

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